Et si on reparlait des camions ?
Parler des camions c'est un peu tabou, non ? Enfin en parler ouvertement, échanger, se poser des questions. Parce qu'on en parle mais dans certaines circonstances seulement, avant les élections par exemple, ou on exprime son ras-le-bol entre amis, entre voisins qui se savent « sur la même longueur d'ondes ». Ou bien on s'indigne, on l'écrit, on le proclame, chacun notre tour.
On dessine des camps entre nous, comme dans la cour de récréation, il y aurait les pour d'un côté, les contre de l'autre. Ceux qui travaillent avec et ceux qui les subissent. Les affreux jojos et les vertueux, ceux qui ont de tous temps vécu avec et les autres, les chochottes, les fragiles du tympan.
On parle de tout et de rien car en fait on ne sait rien. Qui sait combien de camions passent tous les jours à Voulx ? Où vont-ils ? D'où viennent-ils ? Que transportent-ils ? Chacun voit midi à sa porte : ils passent sous mes fenêtres et font trembler ma maison, ils transportent ma récolte de betteraves, ils me réveillent à 3h30 du matin, ils font mon déménagement, etc... On peut même être pour le matin et contre le soir !
Alors ça fait 20 ans qu'on pleure, qu'on se réjouit, qu'on rouspète, qu'on se regarde en chien de faïence, chacun dans son coin. Ici, on prend un arrêté, peu importe ce qui se passe à côté. A chaque élection, la déviation sort de l'oubli pour quelques mois puis s'évapore. Pouf, plus rien.
C'est de pire en pire là où on aimait vivre, mais plus rien.
Les camions sur les routes de campagne, plus rien.
Un enfant meurt, plus rien.
Les villages deviennent des routes défoncées aux trottoirs enfoncés, plus rien.
Alors on trouve que plus rien c'est vraiment un peu juste. Qui c'est « ON » ? ON c'est ceux qui s'invitent à prendre la parole, tranquillement, de son point de vue, en comptant sur l'écoute des autres, sans mépris. ON se manifeste parce qu'ON est quand même bien placé pour en parler, ON les côtoie tous les jours, les camions. Ils passent à quelques mètres de nos chambres, de nos bureaux, de nos enfants. ON peut dire que nous entretenons un rapport intime avec eux, ils font irruption dans nos rêves, au moment où nos corps se reposent, leurs décibels interrompent le cours de nos pensées, leur taille s'impose à nous.
Car les camions, pour la plupart, sont pressés. Ils prennent les racourcis que leur donne le GPS quand ils ne choisissent pas l'option « autoroute » mais « le plus rapide ». Le GPS passe partout où la carte trace un ligne, peu importe la largeur de la voie, peu importe s'il y a le marché, des enfants à vélo, un chat qui passe. Ca les ennuie les camions de traverser les villages comme des escargots, ils perdent du temps, alors ils avancent...
NOUS allons donc essayer de comprendre, en parler, témoigner.
CourCommune